mercredi 8 mars 2017

Pequignet, Lornet et Ambre, les manufactures horlogères françaises

La France a un lien très intime avec l'horlogerie puisqu'elle compte un nombre important de grands horlogers ayant marqué l'histoire de leurs empreintes : notamment Jean-Antoine Lépine, horloger du Roi, Ferdinand Berthoud et son travail sur les chronomètres de marine, Abraham-Louis Breguet et son tourbillon. Pour autant, la Suisse est LE pays de l'horlogerie au point de capter une bonne partie du savoir-faire français. Beaucoup de marques de luxe françaises se sont établies en Suisse pour la fabrication de leurs montres (Cartier, Dior, Chanel, etc.), et lorsque ces marques ne fabriquent pas en Suisse, elles emboitent souvent des mouvements suisses, sinon japonais.

Arnaud Montebourg arborant une Michel Herbelin pour la campagne "Made in France"


L'horlogerie made in France est donc une rareté, l'apanage de quelques marques soucieuses du maintien et du développement du patrimoine horloger français. Aujourd'hui, si beaucoup de marques de montres ont un siège social dans l'hexagone, la France ne compte que quatre marques qui peuvent prétendre au statut de manufacture horlogère française. Il s'agit des marques Pequignet avec sa collection Manufacture, de la marque Lornet, et des marques Yonger & Bresson et Yema du groupe Ambre.

Qu'est-ce qu'une manufacture horlogère ?


Nous parlons donc de manufacture horlogère. La définition d'une manufacture est une entreprise maîtrisant de A à Z la conception et la fabrication d'une montre. Au sens strict du terme, quasiment aucune entreprise ne répond à cette exigence. Seul Seiko a la réputation d'être une manufacture stricto sensu. D'autres touchent du doigt cette appellation comme Rolex ou Jaeger Lecoultre.

Une version plus courante du terme est donc utilisée : la conception du mouvement et de la montre doit être 100% maison, et une grande partie du calibre et des pièces constituant la montre doit être fabriquée dans l'entreprise. Ainsi la sous-traitance de quelques pièces du mouvement (spiral, rubis par exemple) sera tolérée.

L'usine LIP de Palente, autrefois une véritable manufacture horlogère française
Et comme pour tout objet de luxe, le client achètera l'exclusivité en plus de la beauté de l'objet. C'est là que le terme de manufacture prend tout son sens et que le marketing s'en mèle.

Le cas Pequignet

L'entreprise Pequignet emboitait des mouvements suisses ETA puis s'est mis aux japonais SII (Seiko) dès 2014 pour ses montres automatiques.

L'atelier de la manufacture Pequignet
Depuis la reprise de Pequignet par Didier Leibundgut en 2004 suite au départ en retraite d'Emile Pequignet, l'entreprise développe en interne un nouveau mouvement qu'elle baptise le Calibre Royal lors de sa présentation publique à Baselworld 2010. Il s'agit d'un calibre très innovant, exceptionnel de part ses caractéristiques techniques uniques, ses complications et sa beauté. Petit bémol : un bon nombre de pièces constituant le Calibre Royal (de 298 à 318 composants selon la version) sont fabriquées en Suisse avant d'être assemblées à Morteau. Par ailleurs, l'entreprise Pequignet a payé cher son Calibre Royal (liquidations, reprises) mais c'est une autre histoire, la maison restant indépendante et c'est bien là l'essentiel.
Le Calibre Royal de Pequignet
Les montres Pequignet équipées du Calibre Royal sont regroupées au sein de la collection bien nommée Pequignet Manufacture.


Le cas Lornet

Lornet est une toute jeune marque lancée en novembre 2016 à Besançon. Leur leitmotiv est le "made in France". La conception et l'assemblage de leurs montres sont intégralement faits à Besançon. En revanche, 100% des composants constituant leur montre sont sous-traités. Peut-on alors parler de manufacture ? Je dirais non. Cependant, on se console devant la grande transparence de la marque quant à la liste de ses sous traitants, ce qui permet d'afficher que plus de 80% des composants constituant leur montre sont fabriqués en France :
  • Boites et composants mouvement - Chez Créatech (Besançon - Doubs)
  • Couronnes et laquage - chez Cheval Frères (Besançon - Doubs)
  • Bracelets en alligator fait main - chez Créations Perrin (Orchamps Vennes - Doubs)
  • Écrins en bois et surboite - chez Jacquemin (Cramans - Jura)
  • Design élaboré - chez Novodess (Morteau - Doubs)
  • Verres saphir - chez Verlux (Morteau - Doubs)
  • Décolletage - chez Baron (Morteau - Doubs)
  • Aiguilles - chez La Pratique (Morteau - Doubs)
Lornet LA-01 avec son mouvement créé et assemblé par Lornet
Les pièces introuvables en France sont notamment le ressort spiral, l’échappement, le barillet et les inverseurs.
En complément de cette transparence appréciable, la marque travaille à la mise en place de certification française : le poinçon à la vipère de l'Observatoire de Besançon (en remplacement du traditionnel et bien moins sélectif certificat COSC), et le label "Origine France Garantie"


Le cas du groupe Ambre avec ses marques Yema et Yonger & Bresson

Le groupe Ambre, propriétaire des marques Yema (depuis 2009) et Yonger & Bresson (depuis 1990) notamment, a développé son propre mouvement automatique fin 2007. Quatre ans après sortent les premières Yonger & Bresson avec mouvement Ambre.
En 2013, le groupe sort deux nouveaux mouvements automatiques.
Les 3 mouvements créés sont des mouvements "simples" :
  • MPB1000 : trois aiguilles et date à 6h
  • MPB 1030 : trois aiguilles et date à 3h
  • MPB 1010 : deux aiguilles, petite seconde et date à 6h
Le mouvement MPB1000 d'Ambre. Pas bien folichon...

Les mouvements sont conçus et assemblés en France mais les pièces sont fabriquées en Chine. Le prix des montres avec calibre Ambre est relativement bas (inférieur à 200 euros pour certaines). Il s'agit donc de mouvements bas de gamme que l'on ne pourra qualifier de "mouvements de manufacture". La marque ne communique d'ailleurs pas beaucoup dessus, avec aucune photo de qualité sur internet à se mettre sous la dent.

Pequignet, la seule manufacture horlogère française

La seule société pouvant prétendre au titre de "Manufacture horlogère française" est donc Pequignet. Pour autant, Pequignet doit maintenir ses efforts pour tendre encore davantage vers la perfection en fabriquant encore davantage d'éléments de ses montres de la collection Manufacture dans ses ateliers. On regrettera le manque de transparence sur l'origine des différentes pièces mais le sujet est tabou dans le monde de l'horlogerie, à commencer d'ailleurs par les grandes manufactures suisses comme Rolex.
Une fière représentante des montres de manufacture française Pequignet

Les autres marques horlogères françaises

Aux côtés de ces 4 marques, d'autres entreprises françaises vendent des montres sans pour autant pouvoir être qualifié de manufacture française :

  • Auricoste : la marque dont le siège est à Paris emboite des mouvements suisses ETA et Dubois Depraz.
  • Akrone : une jeune marque qui emboite du Miyota ou de l'ETA.
  • Akteo : des montres thématiques à quartz, bas de gamme.
  • Bell & Ross : la marque emboite dans ses ateliers à La Chaux-de-Fonds (Suisse) des mouvements ETA et Sellita et revendique son "Swiss Made". 
  • Bernard Richards Manufacture (BRM) : BRM usurpe le terme manufacture car l'entreprise utilise pour ses montres des mouvements suisses ETA. A noter tout de même quelques mouvements exclusifs de la marque Precitime. Voici la liste des calibres BRM par modèle avec leur origine :
    • Birotor BRT-1 : in-house avec 2 rotors Precitime Jean-Paul Crabbé
    • 32MVT-52N : 3 mouvements, automatique « ETA 2671 »
    • CR-44 : ETA Valjoux 7753
    • CT-48 : ETA Valjoux 7753 modifié par Precitim
    • GP44 : ETA Valjoux 7753
    • G45-T : ETA Valjoux 7753
    • MRT-48 : in-house Precitime sur base ETA A07161
    • R50-TN : in-house Precitime sur base ETA A07161 modifié (lui-même dérivé du ETA 7750)
    • PMT-40/43 : ETA 2824.2 
    • RL-45 : ETA 2671
    • SCR-48 : ETA VAljoux 7753 modifié par Jean-Paul Crabbé
    • V6-44 : ETA 2824-2 modifié par jean-Paul Crabbé
    • V7-38 : ETA 2824-2 
    • V8-44 : ETA Valjoux 7753 
    • V11-41 : ETA Valjoux 7753
    • V12-44 : ETA Valjoux 7753
    • V14-44 : ETA Valjoux 7753 modifié par Jean-Paul Crabbé
    • V16-46 : ETA Valjoux 7753
    • V18-48 : ETA Valjoux 7753
  • Berthet : L'atelier transforme des ébauches de mouvements Unitas suisses pour les décorer et/ou ajouter des complications. Ces mouvements sont installés dans des montres à prix raisonnables, sous les 1000 euros. Si les mouvements sont swiss made, les montres sont assemblées en France ou en Suisse, sur la frontière.
  • Beuchat : l'entreprise fournit des montres de plongée sur base de Miyota ou d'ETA pour les plus haut de gamme.
  • Boucheron : la maison Boucheron, célèbre joaillier du groupe Kering, utilise depuis 2007 pour ses montres les calibres Girard-Perregaux (du même groupe Kering).
  • Cartier : les montres Cartier sont fabriquées en Suisse. Il s'agit d'une manufacture suisse.
  • Charles Oudin : Montres de haute joaillerie utilisant matériaux nobles et pierres précieuses.
  • Charlie Watch: Jeune marque proposant quelques montres automatiques à mouvement japonais Miyota.
  • Chaumet : Chaumet vend des montres automatiques avec mouvements suisses ETA.
  • Dodane 1857: la marque emboite des mouvements suisses Dubois-Dépraz.
  • Duc Oger : Installé à Paris, la marque fait fabriquer ses montres en Suisse avec des mouvements suisses (Valjoux).
  • Humbert Droz : la nouvelle marque issue de Reparalux (Besançon) a produit 3 montres, la première avec mouvement ETA, la deuxième avec un quartz ETA, et la troisième avec un mouvement français France Ebauches FE 5611 (utilisation d'un vieux stock de ce fabricant de mouvement qui a aujourd'hui disparu).
  • Jaz : la marque mythique produit aujourd'hui une montre automatique bas de gamme assemblée à Paris à partir de composants chinois (pas d'info sur le mouvement).
  • Jean-Louis Frésard : l'atelier fabrique à Charquemont des montres anciennes en assemblant de vieilles pièces neuves de stock d'origines diverses, françaises comme suisses.
  • L.Leroy : La marque, établi dans le Jura Suisse et appartenant au groupe Festina-Lotus, produit des montres très haut de gamme. Il s'agit d'une véritable manufacture suisse de très haute volée.
  • Lip : Ancienne manufacture française à l'histoire mouvementée, Lip assemble aujourd'hui des montres automatiques à mouvements japonais Miyota.
  • March LA.B : Bien que revendiquant un statut de "fabrication française", la marque March LA.B assemble en France des montres avec mouvement japonais Miyota.
  • Maty : les montres Maty sont désormais des quartz bas de gamme.
  • Michel Herbelin : La société utilise pour ses montres automatiques des mouvements suisses (ETA ou Sellita). L'assemblage est fait en France, à Charquemont dans le Doubs.
  • MyNo Time: du quartz suisse assemblé en France.
  • Obrey : du quartz ETA
  • Opex : que du quartz
  • Pierre Lannier : Quelques montres automatiques pour homme, bas de gamme, avec mouvement Miyota.
  • Saint Honoré : Montres pour certaines automatiques avec mouvement suisse (Sellita ou ETA). Le reste des pièces est d'origine chinoise et l'assemblage est fait en France, à Charquemont. Une petite partie de leur production est assemblée en Suisse à la Chaux-de-Fonds, certainement pour utiliser plus facilement leur "Swiss Made".
  • Sismeek : des mouvements Kinetic (hybride quartz / automatique) de Seiko et d'autres automatiques suisses dans des montres composées en partie de pièces made in France. La société semble avoir disparu depuis début 2016.
  • TWC : Entreprise du groupe LVMH, l'entreprise fournit les montres quartz, plutôt bas de gamme, des marques Clyda, Clyda montres, Clyda bijoux,Ted Lapidus montres, Ted Lapidus bijoux, Tommy Hilfiger, Hugo Boss, DDP, Oxbow, Citizen, Chipie montres, Chipie bijoux, Thierry Mugler montres, Thierry Mugler bijoux, Eden Park, Scooter, D&G Time, Ice-Watch, Cerruti 1881 montres, Cerruti 1881 bijoux, Christian Lacroix montres, Christian Lacroix bijoux, Lacoste, Kenzo, etc.
  • Utinam : la marque de Besançon fabrique quelques montres dont le mouvement est "Swiss made".
  • William L. 1985 : Une jeune marque qui fait fabriquer en Chine (Shenzhen) et emboite surtout des mouvements quartz, et sur une plongeuse une mouvement automatique Miyota.

2 commentaires:

  1. l'horlogerie Française a effectivement une longue histoire et cela semble continuer avec de nouvelles marques comme Baltic qui se lancent actuellement. Les nouvelles marques seront sans doute présentes au baselworld 2017, hâte de voir ça.

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    1. Yep, Baltic remet joliment au goût du jour les Seagull 1963. Assemblé en France mais mouvements chinois pour les chronos, japonais pour les 3 aiguilles.

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